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Repenser les résultats trimestriels: il s’agit d’incitatifs, pas seulement de rapports
October 15, 2025

On parle de nouveau dans les médias de mettre fin à l’obligation pour les sociétés ouvertes de publier leurs résultats trimestriels. À première vue, ce débat semble être un pas vers la résolution de notre culture d’investissement axée sur le court terme. Mais la réalité est plus nuancée. Pour de nombreuses entreprises, surtout les petites, la publication trimestrielle demeure un moyen d’accroître leur visibilité auprès d’une base d’investisseurs individuels en constante expansion. Ce n’est pas le « méchant » qu’on dépeint souvent, et y mettre fin ne serait pas non plus une solution miracle contre le court-termisme.

Le véritable problème, ce sont les incitatifs mal alignés. Que les entreprises publient ou non leurs résultats tous les trois mois, la direction continuera de privilégier l’apparence à court terme si sa rémunération y est liée. Ce qui importe davantage que la fréquence des divulgations, c’est la conception des systèmes de rémunération. Plutôt que de débattre de la cadence des rapports, nous devrions inciter les conseils d’administration à récompenser la véritable intendance, plutôt que l’ingénierie financière.

La transparence trimestrielle peut très bien coexister avec des incitatifs qui s’étendent sur trois, cinq, voire dix ans. C’est ainsi qu’on s’attaque au court-termisme : non pas en gardant le silence, mais en s’assurant que la grille d’évaluation reflète l’horizon de création de valeur réelle.

Notre approche de l’évaluation de la rémunération des dirigeants

Le contexte compte

La rémunération des dirigeants est l’un des leviers les plus puissants — et parfois sous-estimés — pour influencer le comportement des entreprises. La façon dont les leaders sont rémunérés a des répercussions directes sur la façon dont ils allouent le capital, équilibrent la croissance et la discipline, et privilégient les gains à court terme par rapport à la création de valeur à long terme.

Il n’existe pas de solution universelle : des mesures efficaces pour un modèle d’affaires peuvent être inutiles, voire nuisibles, dans un autre. Par exemple, dans les entreprises à faible intensité d’actifs, où les rendements sur le capital sont structurellement élevés (pensons à la plupart des entreprises de logiciels), les mesures axées sur le rendement peuvent avoir peu de valeur en soi. Dans ces cas, des mesures axées sur la croissance peuvent être plus pertinentes, mais elles devraient être accompagnées d’un indicateur d’efficacité, comme les marges ou les flux de trésorerie, afin de s’assurer que la croissance est poursuivie de façon responsable. À l’inverse, dans les modèles axés sur les acquisitions, les seuils de rendement sur le capital sont essentiels pour décourager la construction d’empires et garantir une utilisation productive du capital.

Nous privilégions les systèmes d’incitatifs qui sont flexibles et adaptés au contexte, qui tiennent compte de ce que la direction peut réellement influencer et qui sont alignés sur les principaux moteurs de la valeur pour les actionnaires propres à chaque entreprise.

Les limites et la meilleure utilisation des mesures

Chaque mesure de rémunération comporte ses limites. Le rendement du capital investi, le rendement total pour l’actionnaire, les flux de trésorerie disponibles et le bénéfice par action ajusté peuvent tous être manipulés ou déformés, surtout sur de courtes périodes. Les choix comptables, le moment des investissements et la dépendance aux chiffres « ajustés » peuvent tous miner l’objectif initial d’une mesure.

Principales mesures et leurs écueils :

  •  Rendement du capital investi (RCI): Cette mesure indique le profit généré par chaque dollar investi dans l’entreprise. Elle est utile, car elle montre l’efficacité avec laquelle la direction déploie le capital, mais elle peut sembler artificiellement faible dans les premières années d’un investissement.
  • Rendement total pour l’actionnaire (RTA): Cette mesure combine l’appréciation du cours de l’action et les dividendes. Elle reflète la perception des investisseurs et la création de valeur à long terme, mais à court terme, elle peut être influencée par le sentiment du marché ou l’ingénierie financière.
  • Flux de trésorerie disponible (FTD): Il s’agit de la trésorerie restante après le paiement des opérations et des investissements nécessaires. Cette mesure est importante, car la trésorerie sert ultimement à financer les dividendes, le remboursement de la dette et la réinjection de capital. Toutefois, le FTD peut être temporairement gonflé en réduisant les investissements essentiels.
  • Bénéfice par action ajusté (BPA ajusté): Il s’agit du bénéfice déclaré après exclusion de certains coûts ou éléments « non récurrents ». Bien que les ajustements puissent apporter de la clarté, ils sont souvent utilisés à l’excès et peuvent masquer la véritable situation économique de l’entreprise.

Cela ne veut pas dire que les mesures sont inutiles — loin de là. Mais elles sont plus efficaces lorsqu’elles sont simples, transparentes et comprises dans leur contexte. La simplicité et la clarté comptent souvent davantage qu’une précision illusoire.

Alignement à long terme : propriété et horizon temporel

S’il y a un principe qui surpasse tous les autres, c’est celui-ci : la propriété constitue la forme d’alignement la plus forte. Lorsque les dirigeants détiennent une part significative de leur patrimoine sous forme d’actions de l’entreprise, leur perspective s’aligne naturellement sur celle des actionnaires à long terme.

Constellation Software en offre un exemple convaincant. Leur programme exige que le personnel utilise une partie de ses primes en espèces pour acheter des actions, avec de longues périodes de blocage. Les cadres supérieurs doivent accumuler des participations encore plus importantes. Cette structure a transformé une société ouverte en une entreprise qui ressemble à une société détenue par ses employés, créant ainsi un alignement qu’aucun ensemble de mesures de performance ne saurait égaler. Dans cet esprit, nous privilégions les structures où les hauts dirigeants sont tenus de détenir des multiples de leur rémunération en actions, idéalement avec des exigences de détention sur plusieurs années.

La création de valeur se construit sur des années, et non sur des trimestres. Les meilleurs systèmes d’incitatifs allongent l’horizon — trois à cinq ans au minimum — et récompensent la direction pour la création d’une valeur durable qui dépasse largement un seul cycle de publication de résultats.

La qualité avant la quantité

Des incitatifs mal conçus peuvent causer plus de tort que de bien. Lier les récompenses uniquement à la croissance des revenus peut pousser les entreprises axées sur les acquisitions à bâtir des empires. Associer la rémunération de trop près au rendement total pour l’actionnaire peut inciter à la gestion du cours de l’action plutôt qu’à une saine allocation du capital. Même les mesures de rendement sur le capital peuvent avoir des effets pervers si elles sont appliquées trop strictement, en pénalisant les entreprises pour des investissements initiaux qui génèrent pourtant des rendements importants à long terme.

Les bons systèmes récompensent la qualité de la croissance, et non seulement la quantité. Ils équilibrent la discipline financière et la flexibilité stratégique, en reconnaissant que toute la création de valeur ne se reflète pas toujours clairement dans les résultats d’une seule année.

Le rôle des conseils d’administration et de la culture

Aucun système d’incitatifs n’existe en vase clos. Un conseil d’administration fort et indépendant est essentiel pour interpréter les résultats, exercer son jugement et demander des comptes à la direction d’une manière qu’aucune formule ne peut remplacer.

Tout aussi important, la conception de la rémunération ne peut pas se substituer à l’intégrité, à la compétence et à la culture des dirigeants. Si notre confiance envers la direction repose uniquement sur les garde-fous de leur régime d’incitatifs, il est probable que nous investissions dans la mauvaise entreprise.

Ce que nous aimons retrouver dans la rémunération des dirigeants:

  • Exigences de détention significatives qui assurent un véritable « engagement financier »
  • Périodes d’acquisition et de détention à long terme qui favorisent la patience et la vision à long terme
  • Mesures liées aux véritables moteurs de valeur, comme le rendement sur le capital, les flux de trésorerie disponibles et les marges d’exploitation selon les PCGR, plutôt que des chiffres trop ajustés
  • Simplicité et transparence, avec des mesures claires et rapportées de façon constante
  • Ouverture au dialogue avec les actionnaires, à l’écoute des commentaires et prête à faire évoluer les cadres de rémunération lorsque cela s’avère pertinent

Mot de la fin

Le débat sur la publication des résultats trimestriels peut détourner l’attention du véritable enjeu : la façon dont les entreprises incitent leurs dirigeants. Les mises à jour trimestrielles peuvent favoriser la transparence et la reddition de comptes, mais seulement si elles s’accompagnent de systèmes de rémunération qui récompensent la création de valeur à long terme. Nous croyons que le véritable alignement découle d’une détention significative, de mesures à long terme et d’une culture axée sur l’intendance, afin que le capital confié par nos clients soit géré pour des résultats durables, et non seulement pour le prochain trimestre.



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Ce blogue est présenté à titre d’information seulement et ne devrait pas être considéré comme une source de conseils en placements individualisés, de recherches ou de recommandations visant l’achat, la vente ou la conservation de titres particuliers. Les renseignements fournis reflètent des opinions courantes reposant sur les données disponibles au moment de la rédaction et pourraient changer sans préavis. Gestion de placements Mawer Ltée et/ou ses clients peuvent détenir des positions dans les titres mentionnés, ce qui pourrait créer un conflit d’intérêts potentiel. Bien qu’elle mette tout en œuvre pour veiller à l’exactitude de l’information, Gestion de placements Mawer Ltée ne garantit pas son intégralité ou son exactitude et décline toute responsabilité quant à la confiance accordée à cette publication. Gestion de placements Mawer Ltée n’est pas responsables des dommages découlant du recours à cette publication ou de son utilisation malveillante, ni de ceux qui pourraient y être liés de quelque façon que ce soit.

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