Il s’est écoulé plus d’un mois depuis notre balado avec notre chef de la technologie, Justin Anderson, mais je reviens sans cesse à une idée qu’il a soulevée : les facteurs économiques liés à la création de ses propres technologies évoluent rapidement. Ce qui était autrefois une option haut de gamme — réservée aux entreprises dotées d’une solide infrastructure technologique et de gros budgets — est désormais plus accessible, plus flexible et, dans certains cas, moins coûteux que de dépendre de fournisseurs externes.

Pendant des années, le développement d’outils internes s’accompagnait d’un prix élevé — non seulement en argent, mais aussi en temps et en risques. Il fallait du talent en ingénierie, une infrastructure robuste et la discipline nécessaire pour maintenir un code personnalisé à long terme. La plupart des entreprises, surtout en dehors du secteur technologique, optaient pour des solutions prêtes à l’emploi, qui étaient plus rapides, plus sûres et souvent plus économiques.

Ce compromis est en train de changer, et il s’inscrit dans une tendance macroéconomique beaucoup plus large.
Dans tous les secteurs, la transformation numérique et l’adoption rapide de l’IA redéfinissent le paysage concurrentiel. Les dépenses mondiales en IA et en automatisation s’accélèrent, avec des secteurs comme les services financiers, la santé et la fabrication qui investissent massivement dans la technologie pour accroître leur efficacité et leur capacité d’adaptation. Ce changement ne consiste pas seulement à suivre le rythme — il redéfinit l’excellence opérationnelle dans un monde où la technologie est devenue un facteur clé de différenciation.

Le développement logiciel assisté par l’IA réduit le coût de création et d’entretien de solutions personnalisées. Dans bien des cas, il est désormais plus rapide et moins coûteux d’ajouter des fonctionnalités sur mesure à des systèmes existants que de modifier ses opérations pour s’adapter aux limites d’une interface fournisseur. Résultat : les entreprises dotées d’une forte capacité d’ingénierie interne et d’une architecture adaptable ne sont plus seulement des chefs de file en innovation — elles peuvent aussi être plus efficaces que leurs homologues dépendantes des fournisseurs. Cela remet en question la croyance de longue date selon laquelle la personnalisation n’est viable que pour les entreprises technologiques de pointe. Bien sûr, cela ne s’applique pas partout — des contraintes comme la réglementation ou une capacité technologique limitée demeurent importantes. Mais là où ces obstacles sont peu nombreux, le développement interne peut offrir de meilleures performances à moindre coût, incitant les entreprises à revoir leurs hypothèses sur l’externalisation, la dépendance envers les fournisseurs et la véritable efficacité opérationnelle.

Les fournisseurs traditionnels pourraient subir une pression croissante. Grâce aux outils d’IA et à la facilité accrue de relier divers systèmes, il devient plus rapide et moins coûteux pour les entreprises de bâtir leurs propres solutions. Cela exerce des pressions sur les fournisseurs — surtout ceux qui exigent encore des prix élevés pour des fonctionnalités désormais faciles à reproduire.

Obstacles comportementaux et organisationnels
Malgré ces changements, de nombreuses organisations restent ancrées dans leurs systèmes hérités et dans leurs relations avec les fournisseurs. Cette inertie est souvent tributaire de biais comportementaux :

• Biais du statu quo: Préférence pour le maintien des processus existants, même si le changement pouvait produire de meilleurs résultats.
• Erreur des coûts irrécupérables : Réticence à abandonner des systèmes hérités en raison des investissements passés, peu importe les avantages futurs.
• Aversion au risque : Surestimation des risques liés au changement et sous-estimation des risques liés à l’inaction.

Un leadership tourné vers l’avenir est nécessaire pour surmonter ces obstacles. Les organisations qui favorisent une culture d’adaptabilité — où l’expérimentation est encouragée et l’échec perçu comme une occasion d’apprentissage — sont mieux placées pour tirer parti de la nouvelle économie technologique. À l’inverse, les entreprises qui s’accrochent à des hypothèses dépassées risquent de prendre du retard, tant sur le plan opérationnel que concurrentiel.

Pour les investisseurs, ces changements ont des répercussions importantes sur la construction des portefeuilles et la répartition sectorielle:

• Les entreprises qui investissent dans leurs capacités technologiques internes peuvent gagner en flexibilité de coûts et en résilience opérationnelle, ce qui peut se traduire par des marges plus élevées et un meilleur positionnement concurrentiel.
• Les entreprises lentes à s’adapter — celles qui restent accrochées à des systèmes hérités ou à une dépendance fournisseur — pourraient subir une compression de leurs marges, des coûts plus élevés et même des perturbations.
• L’évaluation de la stratégie technologique d’une entreprise n’est plus seulement une question administrative ; c’est désormais un élément central de la valeur d’entreprise et de l’évaluation des risques.
• Les investisseurs doivent examiner non seulement la technologie utilisée par une entreprise, mais aussi la façon dont celle-ci est déployée, entretenue et intégrée au modèle d’affaires global.

Cela soulève une question plus large pour quiconque évalue des entreprises aujourd’hui : Quelles entreprises restent prisonnières d’hypothèses dépassées sur ce qui est trop coûteux ou complexe à bâtir? Qui dépense trop pour des systèmes hérités? Et quels fournisseurs misent sur des arguments qui ne sont plus défendables?

Ces questions ne concernent plus seulement les chefs de la technologie. Elles interpellent aussi les investisseurs, les dirigeants et tous ceux qui évaluent la capacité d’adaptation d’une entreprise (par exemple, les membres du conseil d’administration). À mesure que l’économie technologique évolue, il en va de même pour les définitions de l’efficacité, de la résilience et de l’avantage stratégique.

Pour les investisseurs, cela signifie repenser la façon d’évaluer la structure des coûts, la dépendance envers les fournisseurs et l’agilité technique. La stratégie technologique n’est plus une simple question administrative  — c’est un facteur clé de la valeur d’entreprise.